Sarajevo omnibus de Velibor Colic

Le véritable tour de force de ce roman atypique n'est ni l'histoire en elle-même, ni l'écriture. C'est l'optimisme, la joie, la légèreté qui règnent malgré le thème choisi qui est l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand en 1914.L'auteur prend en effet un ton léger pour évoquer la grande et la petite Histoire à travers des portraits de personnages ayant vécus cet assassinat qui a provoqué, on le sait tous, la Première Guerre Mondiale et la chute des empires existants.

Je vous l'ai annoncé ab-initio, ce roman est assez particulier dans sa forme. En aucun cas il ne s'agit d'une histoire mais d'histoires. L'auteur nous parle d'un personnage au court d'un chapitre, personnage connu ou non, important ou non pour la compréhension de ce tragique évènement, mais qui a forcément un lien, ne serait-ce qu'infime, avec l'Histoire de cette époque. L'intérieur du chapitre est lui décomposé de telle manière que nous avons l'impression d'aborder des nouvelles distinctes.A l'image d'une pierre précieuse, Velibor Colic nous montre de multiples facettes autour d'une seule et même histoire. Comme si nous la voyions de plusieurs points de vu, comme si nous tournions autour pour en saisir l'intégralité des causes et des effets.

C'est aussi pour l'auteur l'occasion de nous donner une vision des religions assez différente de celle que les évènements de ces dernières années nous montrent. Une époque dans laquelle Sarajevo était le berceau de diverses religions cohabitantes. Un moment où les liens humains étaient forts et même très forts.

D'habitude, je vous donne un petit extrait pour vous mettre en bouche mais concernant cet ouvrage, je préfère vous raconter une des anecdotes contée ici.Nous suivons la Haggadah, texte religieux juif extrêmement ancien et important pour cette communauté. Ce texte a dû survivre à de nombreux voyages et chamboulements. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le gardien de celle-ci est fait prisonnier et torturé, les nazis voulant récupérer cet ouvrage précieux afin de le brûler et ainsi ôter du monde toute preuve de ce "simulacre de religion".
En même temps que le gardien, est emprisonné l'imam de Sarajevo. Ce dernier sortira assez rapidement des bureaux de la Gestapo. Alors, pour préserver cette religion, il va cacher le Grand Livre sous le seuil de sa mosquée et ainsi le sauver.

Qui aurait en effet pu penser que l'ouvrage juif serait conservé par les dignitaires de la foi musulmane?...